En 1962, les frères Aldo, Sergio et Bruno Cogoni fondaient les Sunlights avec Jean-Paul Van Houte, puis Tony Menteau. Au début ils jouaient du Rock et excellents musiciens, ils devinrent suffisamment côtés pour accompagner Gene Vincent en 1963 dans sa tournée en Belgique et en France. Ils ne se contentèrent d’ailleurs pas de l’accompagner, mais ils faisaient eux aussi le show en se roulant par terre avec une énergie inimaginable.
Quelques années et aléas de la vie plus tard, les trois frères abandonnent la voie du Rock and Roll pour emprunter celle de la chanson française traditionnelle : « le déserteur », « Ne joue pas au soldat » « Maman, la plus belle du monde »... Le succès les y attend et Ils seront récompensés par sept disques d’or et de nombreux disques de platine. Leur mérite est d’avoir été un groupe à la fois original qui, sans jamais suivre la mode musicale, a su s’imposer en enregistrant des chansons oubliées du répertoire Français pour en faire des succès. Le livre hommage de Chantal Losfeld leurest d’ailleurs consacré. Sorti en avril dernier aux Presses du Midi, il s’intitule « Les Sunlights, chronique d’hier et d’aujourd’hui ».
En ce 4 mai 2013, les Vinyls ont eu l’honneur d’assurer la première partie des Sunlights, désormais réduits à deux, leur frère Bruno étant décédé en 2007. Jacky Delmone, un remarquable chanteur et showman, crédité lui aussi d’une longue carrière, était également à l’affiche du spectacle se déroulant dans le magnifique Centre Marius Staquet de Mouscron en Belgique qui, pour l’occasion a dû refuser plus de cent spectateurs, la salle affichant complet depuis une semaine.
Etant de la partie, nous avions forcément un regard différent de celui du spectateur venu simplement voir et écouter ses artistes préférés. Et ce qui nous a d’abord frappés chez Sergio et Aldo est leur professionnalisme. Leur façon naturelle d’occuper l’espace, leur présence sur scène montrent leur parfaite maitrise de cet art difficile de se produire devant un public. A travers leur répertoire, ils nous ont aussi rappelé à quel point les vrais chansons françaises étaient poétiques et éternelles (« la Mer », « les roses blanches » …). La nostalgie qui se dégage de leurs chansons ne les empêche pas de faire preuve d’un humour très fin. Mais aussi d’abnégation : Sergio frappé d’un méchant rhume souffrait d’un mal de gorge épouvantable et sa douleur, lorsqu’il allait chercher les notes aigues, était perceptible de la salle. Mais il a tenu jusqu’au bout, chapeau !
Nous avons eu le privilège de les accompagner dans l’ultime morceau de leur spectacle, « Quand on est musicien ». Là encore, nous avons ressenti que le travail est plus facile lorsqu’il est dirigé par de vrais pros. Quand je dis « ultime », le mot n’est pas exagéré, puisque les Sunlights avaient décidé de terminer leur longue carrière sur ce concert à Mouscron, une carrière qui pour Sergio s’est achevée comme elle avait commencé, à la contrebasse. En effet, pendant l’exécution de la chanson, il s’est emparé de la contrebasse de Jean-Philippe et a retrouvé les sensations de ses débuts, il y a cinquante ans. Pour nous, jouer avec les Sunlights fut donc à la fois un honneur d’accompagner leur sortie et un souvenir impérissable.
Leur talent, leur expérience, tous leurs disques d’or ne les empêchent pas d’être en dehors de la scène des hommes charmants, humbles et gentils. Ils nous ont traités en amis, sur un pied d’égalité.
Leur attitude prouve leur élégance, mais aussi la valeur des Vinyls. Si nous avions étés médiocres, les Sunlights auraient certainement été aussi gentils avec nous, car ils sont foncièrement gentils, mais peut-être plus condescendants également. Ce ne fut pas le cas, car nous avons produits un excellent spectacle qui restera dans les mémoires, avec un Alexandre déchainé.
Ce soir-là, nous avons pris conscience que désormais, Les Vinyls jouent dans la cour des grands.