Les frontières ont beau avoir disparu et on a beau parler la même langue, dès qu’on arrive à Mouscron, chef-lieu d'arrondissement dans la province de Hainaut, en Belgique, on sent bien qu’on se trouve dans un autre pays et, pour tout dire, on s’y sent bien.
Mouscron, ville de grande culture, qui a vu naitre Raymond Devos, possède un fort lien avec les sixties, puisque les Kinks, les Sunlight, Jimi Hendrix, ou encore les Moody Blues, qui parlent même de la ville dans une de leurs chansons, y sont venus. C’est de là également qu’on été lancés les fameux tubes "Born to be alive" ou, dans un autre style, "La danse des canards".
Après six ans d’absence, les Vinyls étaient les invités du Wap Doo Wap de Mouscron. Autant dire, que pour trois d’entre eux, c’était une découverte.
Toutefois, l’enthousiasme de participer à un événement longtemps attendu, n’empêche pas les impondérables.
A neuf heures, heure du début du concert, le chanteur Alexandre venant d’Orléans n’était pas encore arrivé et le bassiste Jean-Philippe venant de Strasbourg était coincé dans les embouteillages au Luxembourg et prévoyait une arrivée vers 10h30.
L’affaire était mal partie, alors que tous nos amis du Nord, Bernard, Bruno, Jerry, Michel et d’autres, et ceux de Belgique étaient tous là et que des gens étaient venus spécialement pour découvrir le "phénomène Vinyls".
Mais il fallait bien que le spectacle commence. Alors, puisque comme le dit Jean-Claude à chacune des présentations du groupe, « la basse c’est la base », votre serviteur a pris la décision de troquer le rôle de guitariste rythmique pour celui de bassiste et Michel Vincent, l’un des pionniers du Rock en Belgique dans les années soixante, invité à la soirée pour faire le bœuf à la fin du concert, a fait le bœuf, mais au début, en attendant l’arrivée d’Alexandre. Jacky Delmone, qui par le passé a fait plusieurs tournées avec Gilbert Bécaud dont il était le filleul était aussi là et a chanté deux titres, de sorte que le spectacle a pu commencer pratiquement à l’heure.
Sur ces entrefaites, Alexandre est arrivé, accompagné d’un début d’extinction de voix. Après s’être frayé un chemin parmi les spectateurs pour parvenir jusqu’à la loge, il s’est changé et a pu faire un premier set.
A la pose, Jean-Philippe est arrivé à son tour et le deuxième set a pu être donné dans la configuration normale du groupe.
Cette journée en Belgique fut forte en émotions : après l’inquiétude quant à l’arrivée des musiciens, ce fut la communion avec un public extraordinaire, chaleureux et très convivial. Et puis, il y a eu l’émotion de retrouvailles. Venu bien avant le début du concert, Claude Doudou était présent. Pour ceux qui ne le savent pas, en 1960, Claude, qui faisait partie du groupe les Centaures, cherchait un batteur et avait entendu parler, par un garçon de café de la porte d’Orléans à Paris, d’un jeune batteur qui n’avait pas de groupe. Claude ayant réussi à se procurer l’adresse de ce jeune, a été le chercher chez lui et, deux jours plus tard, Jean-Claude Coulonge, puisque c’était lui, partait pour sa première tournée à l’âge de 15 ans et 3 mois avec Les Centaures.
Autrement dit, sans Claude Doudou, Jean-Claude Coulonge n’aurait peut-être jamais fait de musique.
Ce qui est drôle, lorsqu’une profonde amitié lie deux hommes, c’est que quand ils se retrouvent, même après 15 ans sans contact, ils ont l’air de reprendre la conversation là où ils l’avaient laissée, genre « de quoi était-on en train de parler » ?
Le succès de cette formidable journée repose également sur l’efficacité et la gentillesse de Martine Dursin, chargée de l'organisation et de la programmation du Wap Doo Wap.
Mais l’histoire ne s’arrête pas là.
Le lendemain, samedi 4 octobre, les Vinyls se produisaient au Côté Lac D’Ollainville dans l’Essonne.
Cette fois, le groupe était au complet ou presque, puisque la voix d’Alexandre, complètement cassée, était aux abonnés absents et, le bruit qu’il émettait pouvait faire penser à celui d’une crécelle, ou d’ongles sur un tableau noir, ou encore à la voix de Tom Waits, ce qui est finalement, à peu près pareil.
Pour tâter le terrain, nous avons commencé le set par "Folsom Prison Blues" une chanson de Johnny Cash, dont la voix grave pouvait être dans le registre d’Alexandre. Mais au bout de quelques titres, il n’en pouvait plus et, heureusement que l’ami Ji Cé Warning était présent ce soir là et a pu apporter un soutien notable au concert.
Pendant ce temps, nos amis d’Evry, Monique et Fabien, qui fêtaient ce soir là l’anniversaire de leur fils Jean-Charles, voyant l’état d’Alexandre sont repartis chez eux chercher le médicament miracle contre les maux de gorge, qui a finalement fonctionné. En fin de compte, le public là aussi nombreux et chaleureux a pu repartir, enchanté du spectacle.
Deux jours de concerts au cours desquels nous avons pu expérimenter la réactivité du groupe face aux impondérables, sa faculté de jouer des titres qu’il n’avait jamais joués ("Le bon vieux temps du Rock’n’Roll", "J’avais deux amis") et la solidarité du public et des amis artistes… Une superbe aventure.